Quai de la Tournelle (Paris 5e), Albert Abid, bouquiniste moustachu, mâchouille l’embout d’une jolie pipe ouvragée qui aurait fait le bonheur de Nestor Burma. Comme ses collègues, il ne décolère pas contre une situation qu’il juge « problématique » et « insoluble » depuis l’envoi d’une lettre assez abrupte de la Préfecture de police de Paris, le 25 juillet, enjoignant à 170 bouquinistes – sur les 220 disséminés sur les berges de la Seine – de déménager leurs « boîtes » au moins le temps de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques (JO), qui aura lieu sur la Seine, le 26 juillet 2024. Officiellement pour des mesures de sécurité.
Un motif qu’Albert Abid juge fallacieux. « Pff… La raison cachée, c’est qu’on cache la vue, j’en suis convaincu », affirme-t-il. Avant d’ironiser : « Mais on n’est pas les seuls à gêner. Il y a les arbres aussi ! On va les couper ? » Démonter puis remonter les boîtes vertes, vieilles de plus d’un siècle pour certaines, à la fragilité de porcelaine boisée, nécessiterait une méticulosité telle que l’opération lui paraît « irréalisable ». « Ou alors, ce serait un massacre. Un tiers des boîtes n’y survivront pas », selon le bouquiniste.
Même si l’ordre de la Préfecture paraît limpide et sans appel, les libraires, de nature frondeurs et inquiets pour leur métier, s’acharnent à résister. « On nous a annoncé le déménagement sans concertation. On veut nous gommer du paysage alors qu’on est un des symboles majeurs de Paris, c’est ahurissant, peste Jérôme Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris. Alors qu’il y a une solution bien plus simple : faire passer le service de déminage avant la cérémonie, sceller les boîtes, puis les rouvrir juste après. C’est économique, écologique, raisonnable ! »
Leur combat ne passe pas inaperçu. L’opinion publique parisienne, qui ne voit pas bien pourquoi on déshabillerait ainsi les quais de Seine, se mobilise avec notamment une pétition en ligne, « Sauvegarde des bouquinistes des quais de la Seine », réunissant 143 000 signatures, une tribune d’intellectuels dans Le Monde… Un mouvement qui pourrait rendre Jérôme Callais optimiste. Sauf qu’il n’a plus trop de nouvelles de la Préfecture. « Le 8 août, j’ai eu un rendez-vous avec un fonctionnaire de la Préfecture qui voulait savoir comment fonctionnaient nos boîtes. Il a rédigé une note et puis c’est tout », se lamente-t-il.
« Hidalgo ne nous défend pas »
Mais il est surtout en colère contre la Mairie, ne comprenant pas bien ce qu’elle fabrique : « J’ai du mal à croire Anne Hidalgo quand elle dit publiquement qu’elle adore les bouquinistes. Elle ne nous défend absolument pas. » Le 10 juillet a eu lieu une réunion d’information à l’Hôtel de ville. Soucieuse de ne pas s’attirer les foudres d’un corps de métier éminemment parisien, la municipalité a adopté une position souple, au point de soumettre un questionnaire aux bouquinistes leur proposant plusieurs options, dont celle de maintenir leurs boîtes. « Ce jour-là, on n’imaginait pas un déménagement !, raconte Jérôme Callais. On devait juste se mettre d’accord sur la façon de protéger nos boîtes durant la cérémonie. »
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